Promouvoir des normes comptables intégrantdonnées financières et BSE : vers un Bilan Biodiversité
« La dernière partie de ce rapport a pour objectif de présenter de manière concise les grands principes d’un Bilan Biodiversité, cadre comptable en matière de BSE qui pourrait s’intégrer au cadre comptable plus large de reporting intégré promu par l’International Integrated Reporting Committee (IIRC)[1].
Depuis plusieurs années, de nombreux auteurs soulignent l’importance de la satisfaction de normes non financières définies en dehors des entreprises (Gray et al., 1987 ; Huizing & Dekker 1992 ; Milne 1996 ; Richard 2009) : celles-ci pourraient être légitimement utilisées comme points de référence afin d’évaluer leurs performances environnementales. Alors que la 10ème Conférence des Parties de la CDB est sur le point de débuter en cette Année Internationale de la Biodiversité, on ne pourrait rêver d’une meilleure occasion pour souligner la nécessité de développer des normes comptables en matière BSE.
Compte tenu des limites des trois démarches de reporting environnemental susmentionnées, Houdet (2010) propose le développement d’un cadre comptable intégrant données financières et BSE, c’est-à-dire associant le meilleur de la comptabilité financière, de la CFE et du REEF. En d’autres termes, en différenciant les écritures comptables en fonction de leurs liens avec les BSE, l’objectif du Bilan Biodiversité serait de permettre aux entreprises de rendre compte de leurs dépendances financières et de leurs impacts en matière de BSE (Houdet et al., 2009a ; Houdet 2010). Cela renvoie à une conception écosystémique de la comptabilité et du reporting qui n’engloberait pas uniquement les aspects directement sous le contrôle de l’organisation : il s’agirait de rendre compte des interactions de l’entreprise avec les BSE pour l’ensemble des écosystèmes au sein desquels elle opère directement (contrôle des actifs fonciers) ou indirectement par l’intermédiaire de ses chaînes d’approvisionnement (actifs fonciers de ses fournisseurs).
Rendre compte de la dépendance financière aux BSE
Principe méthodologique : quantifier (a) les entrées et sorties de nature écosystémiques (flux de matières issues de la biodiversité) et (b) les modes d’appropriation des SE (intensité de l’utilisation des sols) associés aux différents comptes d’actifs, de passifs, de produits
et de charges.
Objectif : élaborer des indicateurs clés de performance (quantitatifs et qualitatifs) portant sur :
(a) La proportion des produits (chiffre d’affaires) dépendant des flux de matières issues de la biodiversité et/ou des différents modes d’appropriation des SE, ce qui permettrait de caractériser les arbitrages spatiotemporels en matière de SE qui conditionnent le modèle économique de l’entreprise;
(b) Le niveau de dépendance financière aux BSE de l’organisation : par exemple, la consommation de flux de matières par type d’actifs, de produits ou de charges ;
(c) Le partage des bénéfices retirés des SE avec les parties prenantes le long des chaînes d’approvisionnement: par exemple, le part de la valeur ajoutée appropriée par les communautés locales participant aux processus de production en amont par unité de biens vendus.
Rendre compte des impacts et de l’efficacité écologiquedes mesures de mitigation
Principe méthodologique : évaluer et rendre compte régulièrement de l’état et des tendances des éléments de biodiversité remarquable (habitats et espèces rares ou protégés) et des services écosystémiques utilisés par d’autres acteurs (qualité de l’eau en aval de l’activité)
qui sont impactés par les activés ordinaires et exceptionnelles de l’entreprise (c’est-à-dire divulguer les actifs, passifs, produits et charges affectant les BSE) ; cela aussi bien pour les activités contrôlées directement que pour les chaînes d’approvisionnement. Dans ce contexte, des systèmes d’informations géographiques seraient indispensables pour générer des données contextuelles reflétant les dynamiques écosystémiques réelles.
Objectif : élaborer des indicateurs clés de performance (quantitative et qualitative) portant sur:
(a) L’évolution des BSE utilisés et affectés par les processus de production ;
(b) Les menaces et impacts liés aux activités de l’entreprise: emplacement des actifs fonciers impliqués dans les processus de production, empreinte foncière des consommations de matières (bois, nourriture) ;
(c) Les actions mises en oeuvre pour mitiger les impacts sur l’ensemble des actifs fonciers contrôlés directement (coûts par type d’action);
(d) Les actions mises en oeuvre pour mitiger les impacts liés aux chaînes d’approvisionnement (espaces contrôlés par les fournisseurs);
(e) L’efficacité écologique des mesures de mitigation mises en oeuvre : par exemple, indicateurs de santé et de résilience des écosystèmes visés par ces actions. »
[1] « La mission de l’IIRC est de créer un cadre universellement accepté qui rende compte de la durabilité : un cadre qui associe informations financières, environnementales, sociales et de gouvernance dans un format clair, concis, cohérent et comparable – pour faire court, un format « intégré ». Il s’agit d’aider au développement d’informations plus complètes et plus facilement compréhensibles sur la performance globale, prospective et historique, d’une organisation, en vue de répondre aux besoins du modèle économique global émergent et durable. » Voir http://www.integratedreporting.org.